La Bibludothèque
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6/10

Je ne suis pas un admirateur de la série Dragon d'Or, qui m'a toujours semblé être trop basique, trop simpliste, une sorte de Défis Fantastiques du pauvre. Il y a toutefois dans Le Château des Âmes Damnées, cinquième et avant-dernier volume de la série, une saveur étrange, discordante, qui me le fait particulièrement apprécier, quoique ses défauts n'en paraissent hélas que plus évidents.

Vous y incarnez un aventurier standard, de passage dans la bonne bourgade de Lynton. Repéré par le bon bourgeois Jasper Faze, celui-ci vous explique quel va être votre job : aller délivrer le père de Jasper, Luther Faze, qui a cru malin de passer un pacte avec l'archidémon Capon et qui est désormais enfermé dans le château du démon. Personnellement, j'aurais eu tendance à dire « bien fait pour lui, fricoter avec un démon c'était pas très malin », mais bon, puisque vous êtes un héros et que vous vous ennuyez, vous acceptez. Il va falloir réunir six objets pour vaincre Capon : une boule de cristal, une fleur de belladone, les cendres d'un saint, des cheveux de nonne, un morceau d'armure de chevalier, et une larme d'Elvira Faze, la fille de Luther.

La première partie de la quête se passe dans les rues de Lynton et un festival de Gitans, où il va falloir commencer à chercher les objets requis. La larme est évidemment l'objet le plus aisé à découvrir, puisque Jasper vous la fournit (dommage qu'on ne puisse voir la demoiselle, par ailleurs), mais il vous faudra un peu plus d'efforts pour découvrir la belladonne, la boule de cristal et le bout d'armure, qui restent néanmoins simples à se procurer, avec quelques scènes intéressantes à la clé (la tente de la voyante, en particulier), quoique trop brèves, comme souvent dans Dragon d'Or. Après quoi, vous vous mettez en route pour le château de Capon.

Le voyage est émaillé d'événements divers, qui vous permettront de mettre la main sur les derniers objets. Là encore, les événements sont des scènes sympathiques, mais toujours trop courtes : le livre ne fait que 309 paragraphes pour 160 pages, mais aurait gagné à être substantiellement allongé. Je retiendrai néanmoins le personnage du capitaine, très dérangeant par rapport aux personnages secondaires habituels, une autre jolie fille trop peu détaillée (c'est la troisième, quand même. Soit je suis obsédé, soit Morris et Newnham ont un problème avec les femmes. Ou les deux.), un lion parlant, ou des tribus gobelines qui ne font que mentir ou dire la vérité (honnêtement, qui peut encore trouver ça crédible ?).

Enfin, troisième et dernière partie : le château. Comme dans les autres Dragon d'Or, inutile d'en dresser un plan : l'architecture reste simpliste, mais il faut reconnaître que ça évite de sérieuses prises de tête. Comme le reste de l'aventure, il se résume à une suite de petites scénettes frustrantes par leur brièveté, par exemple la rencontre avec la jolie sorcière (quoi, obsédé ?), quoique l'intérieur du repaire de Capon possède une ambiance plus mystique et étrange, notamment du fait des nombreux avatars du propriétaire des lieux qu'on peut croiser. S'ensuit un final classique quelque peu décevant : on vainc Capon, les âmes prisonnières s'enfuient, on rentre à Lynton où on est couvert d'or. Fin. (J'aurais bien aimé gagner la main d'Elvira, personnellement - mais quoi, obsédé ?)

Au final, ce livre laisse une seule impression : dramatiquement court. De bonnes idées cohabitent avec des clichés éculés (en particulier la fin) et des éléments peu crédibles, dont la rencontre avec Jasper Faze, dans l'introduction, est sans doute le plus représentateur, mais tous partagent un point commun : leur concision. Le livre ne fait que 309 paragraphes pour 160 pages, mais aurait gagné à être substantiellement allongé d'une bonne centaine de pages. Toutefois, je ne voudrais pas qu'on croie que je n'aime pas Le Château des Âmes Damnées : comme je l'ai dit plus haut, il fait parfois preuve d'une belle imagination et d'une ambiance très personnelle, rehaussée par les illustrations de Leo Hartas : la perspective y est maltraitée, les angles de vue choisis sont des plus étranges, les formes sont tordues, biaisées, tronquées. Dérangeantes et fascinantes à la fois, un peu comme celles de John Blanche pour Sorcellerie!.

Ce livre, s'il n'est sans doute pas le meilleur de la série (je lui préfère L'Œil du Dragon, bien qu'il soit plus conventionnel), n'est clairement pas non plus le plus mauvais. À mon avis, il vaut définitivement une lecture pour ses trésors d'inventivité, hélas mal mis en valeur.

Julien Meneldur

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